Notre partenaire, la société Fiducial, nous éclaire sur la frontière qui sépare le régime d'auto-entrepreneur du statut de salarié et appelle l'attention sur les risques encourus par les entreprises dans l'hypothèse d'une requalification d'une relation d'affaires avec un auto-entrepreneur en "salariat".
Auto-entrepreneur ou salarié ?
L'auto-entrepreneuriat : une présomption simple
Aux termes de l’article L. 8221-6-1 du Code du travail : « Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre ».
S’agissant d’une présomption simple, toute situation de fait caractérisant l'existence d’un lien de subordination pourra être requalifiée en contrat de travail.
Une présomption renversée par un faisceau d'indices
La Cour de cassation, à travers de multiples décisions, a précisé l'ensemble des éléments – dit faisceau d'indices – qui concourent à la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail. Ainsi , une « requalification » en contrat de travail sera susceptible d'être admise :
- si l'initiative même de la déclaration en travailleur indépendant est suspecte (démarche non spontanée, à priori incompatible avec le travail indépendant) ;
- en raison de l'existence d'une relation salariale antérieure avec le même employeur, pour des fonctions identiques ou proches ;
- en présence d'un donneur d'ordre unique ;
- si le respect d'horaires est imposé ;
- en présence de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d'exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d'un produit ;
- si la facturation est réalisée en fonction d'un nombre d'heures ou en jours ;
- en l'absence ou une limitation forte d'initiatives dans le déroulement du travail ;
- en cas d'intégration à une équipe de travail salariée ;
- en raison de la fourniture de matériels ou équipements (sauf équipements importants ou de sécurité).
Les conséquences d'une requalification à l'initiative du "salarié"
Sous réserve que l'auto-entrepreneur requalifié en "salarié" en formule la demande, il peut obtenir le versement :
- d'une indemnité égale à 6 mois de salaire s’il y a eu rupture de la relation de travail ;
- d'un rappel de salaire et de congés payés sur salaire dans la limite de la prescription triennale ;
- de dommages et intérêts pour licenciement injustifié s’il y a eu rupture de la relation « commerciale » à l’initiative de la société donneuse d’ordre ;
- de dommages et intérêts pour réparation du préjudice lié à la faute de l’employeur dans l’exécution de ses obligations, notamment au regard de l’absence d’affiliation à l’assurance chômage.
Les conséquences liées au délit de travail dissimulé
Le fait de déguiser sciemment une relation salariale en contrat d’entreprise pour échapper à ses obligations d’employeur caractérise une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, dans les conditions précisées à l’article L. 8221-5 du Code du travail.
Un redressement de cotisations sociales forfaitaire
Le calcul du montant du redressement de cotisations sociales est effectué sur la base forfaitaire de 9 654 €, correspondant à 25 % du plafond annuel de la Sécurité sociale. Le principe du redressement forfaitaire s'applique par défaut. Si l'employeur apporte une preuve contraire concernant la durée effective d'emploi et le niveau de la rémunération effectivement versée, l'évaluation est faite au réel.
L' annulation de certaines mesures de réduction ou d’exonération de cotisations
Lorsque l’infraction de dissimulation d’emploi salarié ou de dissimulation d’activité est constatée par procès-verbal, l’organisme de recouvrement (en règle générale, l’Urssaf dont relève l’employeur) procède, dans la limite de la prescription applicable en matière de travail dissimulé (c’est-à-dire 5 ans), à l’annulation des réductions ou exonérations des cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale
Des sanctions pénales
La personne qui a recours au travail dissimulé directement ou par personne interposée, peut être condamnée jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (225 000 € s'il s'agit d'une personne morale).
Les poursuites pourront être engagées suite à un contrôle de l'inspection du travail, de l'URSSAF, de la police ou des services fiscaux, ou sur dépôt de plainte des salariés ou d'une organisation syndicale.