Panique dans la boulangerie
C’est la panique parmi les partenaires sociaux de la boulangerie. L’échéance au 1er janvier 2017 de l’accord qui oblige les professionnels de cette branche à ne souscrire de complémentaire santé qu’auprès du seul institut AG2R-Reunica conduit les boulangers les mieux informés à dénoncer leur contrat. Cette démarche ne vise pas à priver leurs salariés d’une protection sociale complémentaire à laquelle ils ont désormais légalement droit, mais à bénéficier de ladite législation au titre de leur liberté de choix quant à l’organisme (assurance, mutuelle ou institut de prévoyance) support de cette obligation.
Les prolongements d’un mécontentement né en 2008
Plus concrètement, cette démarche correspond aussi pour nombre d’entre eux à la traduction de l’important mécontentement né en 2008 du fait de la mise en place par les partenaires sociaux de la complémentaire obligatoire AG2R, mécontentement qui n’a eu de cesse de s’amplifier au constat de l’impitoyable chasse judiciaire à laquelle ont dû faire face les récalcitrants.
Les organisations patronales et syndicales de la boulangerie menacent leurs ressortissants
Mais les partenaires sociaux tiennent leur réplique en la forme d’un long courrier comminatoire auquel même un boulanger conseiller constitutionnel éprouverait quelques difficultés à répondre. Non pas que les arguments développés ne l’aient déjà été sans succès à ce jour, mais ils sont nombreux et mentionnent à toutes fins utiles les foudres judiciaires auxquelles s’exposerait celui ou celle qui ne rentrerait pas dans le rang (action en dommages-intérêts ; action en faute inexcusable,…).
La boulangerie se prend pour la Sécu
AG2R-Réunica affirme que les boulangers ne sont pas en mesure de procéder à un autre choix que celui imposé, au motif que l’accord conclu est un « authentique régime de sécurité sociale conventionnelle ». Ainsi, au-delà de la seule couverture complémentaire santé, il assure aussi des droits solidaires et de prévention, ainsi que des actions en recherche. Bien que décrits comme « non-contributifs », rien n’indique que le coût de ces éléments complémentaires n’ait pas été intégré au calcul du montant des cotisations versées par les employeurs et les salariés.
De fait, le principe de la solidarité justifie pleinement le caractère obligatoire des cotisations acquittées auprès de la Sécurité Sociale, comme du RSI. Toutefois, ces deux dernières institutions, elles aussi gérées par les partenaires sociaux (Sécu), ou seulement par des organisations patronales (RSI), sont placées sous le contrôle de l’Etat, ce qui n’est pas encore le cas des branches professionnelles.
Un prochain contrôle total de la santé des salariés par les partenaires sociaux ?
Si l’argument de la branche de la boulangerie devait être retenu, il ne fait aucun doute que les dérives auxquelles les tribunaux et le législateur ont entendu mettre un terme en 2013 seraient institutionnalisées et conduirait les partenaires sociaux à la maîtrise totale de la santé des salariés. De fait, alors que ces derniers gèrent déjà le régime général et la médecine du travail, leur emprise serait étendue aux complémentaires santé via leur gestion des 29 instituts de prévoyance de France, attributaires dans 90% des cas des contrats complémentaires santé de branche jusqu’en 2012.
L’une des questions soulevées dès lors, sans entrer dans aucune considération d’ordre juridique, est de mesurer l’opportunité d’une telle hypothèse au constat des résultats obtenus en matière de gestion du RSI, de la médecine du travail, voire de la Sécurité Sociale…
Visualiser le courrier d'AG2R-Reunica (pdf)