Le RSI est-il obligatoire ?

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Dans le prolongement d’une émission en date du 23 octobre 2013 diffusée sur RMC, de nombreux professionnels s’interrogent sur la légalité du système de protection social français à cotisations obligatoires, tant en ce qui concerne la Sécurité Sociale que le RSI.

Quant à la question du caractère légal et obligatoire de l’architecture des cotisations sociales en France, la réponse est clairement OUI.

Mais le chemin pour parvenir à cette conclusion est plus tortueux que de simples effets d’annonce radiophoniques. Ce chemin mérite par ailleurs d’être mieux arpenté que les communiqués laconiques de la Sécurité Sociale et du RSI qui scandent « Dormez bonne gens, tout va bien ! » sans autre fondement qu’un charabia technico juridique dans lequel nous tenterons de ne pas tomber dans les développements qui suivent.

I : L’origine de la rumeur

A – Une affirmation vieille de 20 ans

L’idée selon laquelle le régime de sécurité sociale serait illégal n’est pas neuve. Elle est prônée depuis plus de deux décennies et puise son renforcement dans l’interprétation biaisée de décisions de justices nationales et européennes, de lois et de règlements nationaux, ainsi que de directives européennes.

B- La décision de la CJCE du 3 octobre 2013

Saisie par une association allemande de lutte contre la concurrence déloyale, la CJCE s’est prononcée sur l’action d’une caisse (elle aussi allemande) d’assurance maladie ayant publié sur son site internet un avertissement selon lequel la désaffiliation à ladite caisse pourrait avoir des conséquences financières dommageables pour les assujettis.

La CJCE a considéré que la caisse d’assurance maladie en question, bien que chargée d’une mission de service public, devait être considérée comme une « entreprise » au sens du droit européen, soumise en tant que telle au droit européen de la concurrence, et que le message diffusé sur son site pouvait être considéré comme un acte de concurrence déloyale.

Si l’on s’en tient à ce seul exposé, il est aisément possible de rapprocher le message incriminé de ceux diffusés sur les sites de nos institutions françaises, lesquelles s’étendent longuement sur les sanctions financières liées à l’absence de versement des cotisations sociales obligatoires.

Bingo ! Il n’en fallait pas plus pour que la presse et les réseaux sociaux s’emparent de ce message ultra-simplificateur et répandent l’information selon laquelle la Sécu n’était pas obligatoire, à l’appui de témoignages de bienheureux qui auraient depuis « longtemps » quitté la Sécu ou le RSI, comme internet en fourmille. 

II : Pourquoi la rumeur est infondée

A – La méconnaissance du système de protection social allemand

134 Caisses de protection sociale en Allemagne au libre choix du salarié

Alors qu’en France il n’existe que quelques caisses de protection sociale obligatoires dont les champs sont parfaitement délimités en fonction de la nature de la protection (invalidité, allocations familiales, maladie) ou des assujettis (salariés, professionnels indépendants artisans et commerçants, professionnels libéraux, agriculteurs), l’Allemagne en compte… 134.

Le libre choix du secteur privé pour les salariés dont le revenu est supérieur à 52.200€/an

Au moment de l’embauche, chaque salarié doit choisir sa caisse de rattachement (exception faite de la caisse agricole qui est incontournable), même si le choix entre l'une des 134 caisses légales est libre.

Système inconnu en France, les personnes dont les revenus annuels dépassent 52.200€ ont quant à elles le choix de s’affilier à l’une des caisses du régime légal ou bien à une caisse privée. 

B – La nécessaire distinction entre « l’activité à but exclusivement social » et « l’exercice d’activités économiques à caractère industriel ou commercial »

Dans son arrêt du 3 octobre 2013, la CJCE rappelle que « l’activité à but exclusivement social » exercée par les caisses allemandes d’assurance maladie est expressément exclue du champ de la concurrence.

Sur ce point, les caisses n’agissent pas comme des « entreprises » mais concourent à la gestion du service public de la protection sociale dont les modalités sont librement définies par chaque État membre.

Or, «hormis leurs fonctions de nature exclusivement sociale dans le cadre de la gestion du système de sécurité sociale allemand, les caisses de maladie […] se livrent à des opérations ayant une finalité autre que sociale et qui serait de nature économique».

La question posée à la Cour était donc de savoir si, dans le cadre de leurs actions situées hors champs de la seule gestion du système de sécurité sociale, les Caisses pouvaient être considérées comme des « entreprises » et donc susceptibles de faire l’objet d’une action en concurrence déloyale.

À cette question, la Cour répond par l’affirmative.

Le sens du message diffusé par la Caisse maladie légale était bien d'expliquer que ses "offres intéressantes" de l'année prochaine ne seraient pas accessibles à ceux qui choisiraient de passer à une autre Caisse légale obligatoire. Nous sommes donc bien dans le cadre de la commercialisation d'un produit et non dans celui d'une information relative au champ institutionnel de sa mission.

C – Transposition de la décision de la CJCE en droit français

Rien de nouveau pour le système de protection social français

Pour que cette décision puisse avoir un impact sur le droit de la protection sociale en France, il faudrait que nos caisses de cotisations obligatoires aient une activité autre que celle relevant de leur mission de service public, telle que, par exemple, la commercialisation de produits en complémentaire santé.

Même dans cette hypothèse, seule la partie «vente de produits » serait soumise au droit de la concurrence, mais en aucun cas la partie « collecte des prélèvements obligatoires ».

Un impact direct sur les complémentaires santé obligatoires de branche

Pour mémoire, si le législateur a fixé le principe d’une obligation de mise en place de complémentaires santé pour tous les salariés d’ici au 1er janvier 2016, la gestion en est confiée à des structures qui ne sont pas (ou pas encore ?) dotées de prérogatives de puissance publique. En conséquence de quoi ces structures agissent comme des entreprises et sont soumises, en tant que telles, au droit (et à l’obligation) de la concurrence.

Conclusion

On peut le regretter ou s'en réjouir, mais le fait est que les cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, comme les cotisations appelées par le RSI auprès des professionnels indépendants, sont bel et bien obligatoires. Critiquer un système perfectible est une chose. Le destabilisé par de fausses informations en est une autre.

Le SDI ne se prive pas pas, par exemple, de critiquer le RSI, jusqu'à en demander sa suppression aux constats partagés par un rapport de la Cour des Comptes de fin 2012 pointant ses nombreux dysfonctionnements et l'explosion de ses coûts de gestion. Pour autant, notre souhait n'est pas la suppression du régime de protection social des indépendants, ni la suppression des charges associées, ou  la mise en pace d'un régime privé, mais le rattachement des travailleurs non salariés aux URSSAF pour une rationnalisation des coûts, repercutée sur le niveau des cotisations.

"Rien de révolutionnaire" direz-vous ? Détrompez-vous. Ce seul point serait déjà une avancée importante des revendications des professionnels, au titre duquel nous solliciterons d'ailleurs prochainement nos ahérents.

 

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