Les rapports sur les dysfonctionnements du RSI se succèdent et se ressemblent. En dernier lieu, le rapport d’information du Sénat (Rapport des sénateurs Cardoux et Godefroy du 11 juin 2014)
fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales sur le régime social des indépendants intitulé «Régime Social des Indépendants : 8 ans après la réforme, restaurer la confiance» estime une nouvelle fois que le RSI est bien le maillon faible du régime de protection sociale en France.
Préambule Historique
A. Une lente construction de la protection sociale des indépendants depuis 1948
Dès l’après-guerre, les professionnels indépendants ont estimé nécessaire de distinguer clairement leur régime de protection sociale de celui des salariés. C’est ainsi que les travailleurs non salariés ne bénéficieront d’un régime d’assurance vieillesse qu’à compter de janvier 1948, d’un régime d’assurance maladie maternité en juillet 1966, des prestations familiales en 1978 et des indemnités journalières en 1995 pour les artisans et en 2000 pour les commerçants.
B. Un alignement progressif sur le régime des salariés entamé en 1973
C’est en 1973 que la loi fixe un objectif rapprochement des prestations des indépendants avec celles des travailleurs salariés. Depuis 2001, les droits à prestations pour la maladie, les indemnités journalières, la retraite de base et enfin les allocations familiales, sont ainsi identiques pour tous, à l’exception notable des professionnels libéraux qui, encore à ce jour, ne bénéficient toujours pas d’indemnités journalières.
I. Un régime fondé sur un principe assurantiel
A. Pas de droits sans cotisations
La caractéristique essentielle du régime de protection sociale des indépendants, source de toutes les difficultés rencontrées depuis 2008, est le fait que le versement des droits est conditionné au paiement effectif des cotisations.
B. Un régime entièrement dépendant de flux d’informations informatiques
Dans l’architecture actuelle de fonctionnement de la protection sociale des travailleurs non salariés, le recouvrement des cotisations est assuré par l’URSSAF, lorsque le versement des prestations est assuré par le RSI. On comprend dès lors qu’il y ait nécessité impérieuse de communication entre ces deux organismes puisque ce n’est qu’à la condition que le professionnel soit à jour de cotisations au niveau de l’URSSAF, que le RSI versera les prestations. Avant tout versement, le RSI doit donc interroger l’URSSAF. On imagine que, avec 4,8 millions de personnes concernées, ce type d’échange ne puisse être réalisé que par la voie informatique.
Or, nous savons que le système informatique des URSSAF est loin d’assurer une parfaite compatibilité avec celui du RSI.
II. Une organisation bicéphale mariant la carpe et le lapin
A. URSSAF – RSI : les frères ennemis
Bien qu’agissant tous deux dans le domaine de la protection sociale, les dirigeants des URSSAF et ceux du RSI n’ont jamais réussi à s’entendre, les seconds reprochant notamment au premier leur incapacité structurelle à tenir compte de la spécificité de la population des professionnels indépendants.
Le RSI met notamment en avant son Fonds d’Action Sociale (FAS) et ses 140 millions d’euros versés en 2013 au titre de l’aide à l’acquisition de complémentaires santé, l’aide aux cotisants en difficulté et les problématiques de maintien à domicile. Il s’agit certes d’une goutte d’eau sur les 15 milliards d’euros gérés chaque année par le RSI, mais les quelques bénéficiaires (15.500 cotisants en difficulté en 2013) en ont été soulagés.
Pour autant, le FAS étant prévu au code de la sécurité sociale (article L 635-3), on voit mal en quoi la disparition du RSI pourrait influer sur ce dispositif de soutien aux professionnels les plus en difficultés.
B. Le RSI soumis lui-même à de fortes tensions en interne
Si le rejet de l’URSSAF cimente les 942 administrateurs que comporte le RSI, certaines dissensions existent entre ces derniers, ne serait-ce qu’en raison de leur mode de désignation par élection au suffrage universel des cotisants, sur la base de listes d’organisations professionnelles fort critiques les unes envers les autres. Ajoutons à cela que la Caisse Nationale du RSI ne dispose pas de pouvoir hiérarchique sur les directeurs des 30 Caisses régionales et on comprend mieux pourquoi certains secteurs géographiques sont mieux lotis que d’autres.
III. Une organisation en faillite virtuelle
Compte tenu du principe de solidarité qui prévaut en France s’agissant de la protection sociale universelle, le RSI ne peut être en faillite. Les conséquences financières désastreuses de la mise en place de l’ISU (Interlocuteur Social Unique) depuis 2008 sont donc intégralement couvertes.
A. Presque une année de cotisations dans la nature
Compte tenu de la désorganisation qui caractérise l’ISU, chaque année connaît son lot de cotisations non recouvrées. La crise économique participe certainement pour une part à ce déséquilibre des régimes, mais ce taux de « reste à recouvrer » est encore le double de ce qu’il était avant la réforme, soit 1,5 milliards d’euros en 2013.
Au cumul, au 31 décembre 2013, les restes à recouvrer cumulés s’élevaient à 10,9 milliards d’euros, soit les 2/3 d’une année de cotisations.
B. 2 milliards de ressources annuelles en moins avec le Pacte de responsabilité
Le RSI est en charge du recouvrement de la CSSS (Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés), taxe appliquée aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 760.000€. Le produit de cette taxe (6 Mds€) est réparti entre différents organisme, dont 2Mds€ attribués au RSI.
Or, le gouvernement a décidé de supprimer cette taxe de façon progressive d’ici à 2017.
Au cumul, avec des recouvrements de cotisations difficiles auxquelles viennent s’ajouter de moindres ressources, le RSI ne serait plus en mesure d’assurer le versement des prestations sans l’intervention des URSSAF.
IV. Des axes de progrès
En tout objectivité, tout n’est pas sombre dans le tableau dressé par les sénateurs cités en préambule. Les solutions passent essentiellement par une meilleure information des professionnels sur les modalités de paiement de leurs cotisations, et surtout les solutions offertes pour que ces dernières soient calculées et versées le plus rapidement possible suite à la connaissance des revenus afin d’éviter les décalages maintes fois dénoncés.
A. La dématérialisation
Avec la mise en place depuis Juillet 2013 d’un accès internet pour chacun à son compte RSI, il est possible de passer par ce biais pour :
– déclarer ses revenus
– solliciter des délais de paiement
– le recalcule des appels de cotisations provisionnels en fonction d’un revenu estimé sur l’année
En tout état de cause, le principe de la dématérialisation est désormais imposé par la loi, avec une obligation d’utiliser cette voie à compter de 25.000€ de cotisations et contributions en 2014, puis de 10.000€ en 2015.
B. L’implication des cabinets comptables
A l’occasion de l’établissement du bilan, chaque comptable ou expert-comptable est équipé d’un logiciel qui lui permet de définir très précisément le montant des cotisations RSI. Dans ce contexte, son rôle est d’informer son client afin que des provisions soient constituées. Le comptable devrait de même assister son client dans la définition d’un revenu prévisionnel pour bénéficier du dispositif de déclaration anticipée des revenus et donc des appels de provision correspondants, ainsi calculés au plus juste des facultés financière du moment du professionnel.
Conclusion
Un système moins performant que ceux qu’il a remplacés
Pénalisé par une somme de graves dysfonctionnements, tant pratiques (informatiques) qu’institutionnels (luttes d’influence), l’Interlocuteur Social Unique (ISU), manifesté par le RSI, reste très en deçà des espoirs financiers (baisse des coûts de gestion) et de qualité de service placés en lui.
Concrètement, le RSI est, encore à ce jour, moins performant que les systèmes qu’il a remplacés.
Un « bug » informatique structurel sans espoir de rémission à échéance connue
Le « bug » informatique dont il a été tant question pour justifier les situations parfaitement anormales connues par les cotisants depuis 2008, est en réalité un déficit structurel de communication entre les systèmes d’information du RSI et ceux des URSSAF, malgré tout tenus de collaborer dans des conditions encore mal définies. La refonte des systèmes informatiques, initialement prévue à mi-2014, a dans un premier temps été repoussée à 2017, et désormais aux calandes grecques. C’est en conséquence à la main, au cas par cas, que les personnels tentent de régler les dossiers les plus épineux.
Une inéluctable intégration aux URSSAF
Enfin, mis à part les régimes complémentaires d’assurance vieillesse ou d’invalidité-décès, lesquels sont gérés à l’équilibre, le régime social des travailleurs non salariés accuse chaque année un déficit structurel de 6Mds€ (hors les restes à recouvrer cités plus haut), auquel il convient d’ajouter 2Mds€ au titre de la prochaine suppression de la C3S. La question se pose dès lors de savoir durant combien de temps le régime général continuera à compenser les déficits du RSI sans souhaiter disposer un jour de la maîtrise des sommes versées, notamment dès lors que ces déficits sont liés pour une part à des problèmes de gestion.
Ajoutons que la très grande majorité des travailleurs non salariés exercent rarement une activité indépendante tout au long de leur carrière, ce qui contraint encore à des échanges d’informations entre régimes pour le calcul des droits à retraite.
Enfin, compte tenu du mouvement d’alignement des régimes entre travailleurs salariés et non salariés, ainsi que pour les travailleurs non salariés entre eux (commerçants et artisans notamment), il n’existe plus vraiment de spécificités en terme de calcul des droits à prestations qui pourraient justifier un régime spécifique, ce d’autant que les appels de cotisations sont d’ores et déjà assurés par les URSSAF.
Le RSI ressemble ainsi à une citadelle assiégée ayant bien du mal à justifier son existence aux côtés des URSSAF.