Depuis plusieurs jours, les ministres se relaient dans la presse pour nous expliquer à quel point la situation budgétaire de la France est tendue.
Spoiler alert 1 : les remèdes n’attendront pas 2026. L’objectif est un plan d’action avant l’été et donc vraisemblablement un PLFR (Projet de Loi de Finances Rectificative) pour juillet-août.
Une période généralement propice pour faire passer les mesures les plus impopulaires à la faveur des congés d’été.
Spoiler alert 2 : le Premier Ministre a indiqué que le choix serait entre les mains des Français. Ceci peut signifier soit une dissolution (la prochaine peut avoir lieu 1 an après la dernière, donc en juillet), soit un référendum. Et donc, dans les deux cas, un appel aux urnes sans doute en septembre – octobre.
Au cours de la conférence de presse du Mardi 15 avril, Premier Ministre et ministres ont décliné leur feuille de route par champs de compétence.
Voici les morceaux choisis et, selon le SDI, ce qu’ils pourraient signifier concrètement.
Premier Ministre :
- « Nous ne travaillons pas assez ». On suppose que cette phrase ne s’adresse pas aux indépendants et dirigeants de TPE et leurs 50h/semaine.
- « L’industrie est un enjeu de souveraineté nationale ». F. Bayrou veut rapatrier sur le territoire français des filières de production industrielle.
Ministre de l’Économie :
- Pas d’augmentation des impôts sur les classes moyennes ni sur les entreprises : un vœu pieux systématiquement avancé qui peut facilement être contourné par d’autres prélèvements obligatoires (taxes, contributions,…) mais aussi par la diminution d’avantages fiscaux et/ou sociaux.
Ministre des Comptes publics :
- Interdiction pour les ministères de dépenser plus que le niveau de croissance : chaque année, les budgets des ministères sont revus à la hausse en fonction de l’inflation. Utiliser le niveau de croissance comme critère réduit fortement ces augmentations. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit toujours d’une progression des dépenses lorsque l’objectif devrait être leur réduction.
- Revoir l’intégralité des aides et subventions : ceci peut concerner tous les champs (allocations familiales, APL, prime d’activité, aides à l’investissement locatif, aides à la transition énergétique, prêts BPIFrance,…).
- Faire primer l’intérêt général sur l’intérêt particulier : les perdants auront la satisfaction de participer à l’effort collectif.
- Encadrer les arrêts maladie : les arrêts de courte durée coûtent trop cher. Ceci peut relancer la question du/des jours de carence supplémentaires et donc la question du coût des complémentaires santé d’entreprises.
- En finir avec la gratuité qui déresponsabilise : se dirige-t-on vers des services publics payants ? La Cour des comptes a tracé des pistes dans le domaine de la sécurité sociale :
– Prise en charge variable selon les revenus ;
– Transfert de charges sur les complémentaires santé ;
– Restructurations hospitalières ;
– Renforcement de la prévention.
Ministre du travail :
- Faire en sorte que tout le monde travaille plus et mieux.
- Notre modèle social fondé sur la solidarité intergénérationnelle avec des ressources essentiellement basées sur le travail ne fonctionne plus. Nous assistons à une baisse de la population, à un taux d’emplois trop faible. Une situation qui ne pourra qu’empirer à l’avenir avec des besoins croissants (dépendance notamment) : l’idée est d’augmenter le taux d’emploi, à savoir le nombre de personnes qui travaillent. Les leviers sont :
– Les jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation ni en études ;
– Les séniors (plus de 60 ans en l’occurrence) ;
– Les femmes (150.000 sortent du travail chaque année faute de structures de garde d’enfants).
– Nous ne travaillons pas assez : 2h à 3H de moins/semaine qu’en Allemagne ou en Angleterre. Ce fait est notamment dû au nombre de jours de congés en France ainsi qu’à l’augmentation de la durée des arrêts maladie : après avoir parlé des arrêts « courts », voici les arrêts longs. Ces derniers sont attribués à des pratiques managériales inadaptées qui placent les salariés en situation de stress. L’objectif est donc de travailler dans de meilleures conditions. Quant aux jours de congés, l’idée avait déjà été émise d’en supprimer 1 début 2025.
– Revoir le financement de l’apprentissage : il a déjà été revu dans le PLF 2025.
En résumé :
Il existe un point essentiel auquel le ministère du Travail ne fait aucune référence : la durée hebdomadaire du temps de travail.
Globalement, le diagnostic posé (désindustrialisation, perte de souveraineté, coût exorbitant -675Mds€/an- de la sphère sociale, durée globale du travail insuffisante, …) n’est pas une surprise.
Pour autant, les pistes ne semblent pas toutes à la hauteur de l’enjeu si, comme l’indique le Premier Ministre, nous sommes dans une situation d’urgence vitale.
À ce titre, décréter qu’il faut faire en sorte que tout le monde travaille est à la fois enfoncer une porte ouverte et un non-sens. Le travail ne se décrète pas, il résulte directement du niveau d’activité, des besoins des entreprises, de leurs capacités financières à recruter, de la compétence et de la rencontre des volontés avec les personnes en recherche d’emploi. A ce titre, si la formation initiale, notamment en apprentissage, la formation continue et la réinsertion par l’emploi sont des éléments positifs, ils ne résolvent pas le problème à court terme. Ce dernier ne peut être résolu que par une baisse des charges qui pèsent sur les salaires et une augmentation du temps de travail pour les entreprises qui en ont besoin, notamment celles qui éprouvent des difficultés de recrutement.
Par ailleurs, si la réindustrialisation sous forme de rapatriement de filières industrielles est enthousiasmante au titre de notre souveraineté, là non plus elle ne se décrète pas. 100.000 emplois industriels ont été créés en 8 ans mais 900.000 avaient été perdus les décennies précédentes. C’est un travail de long terme.
On regrettera enfin la quasi absence de la question des charges sociales et fiscales qui pèsent sur nos entreprises ainsi que l’absence d’ambition en matière de dépenses de fonctionnement de l’État et des Collectivités locales.
Qu’en pensez-vous en votre qualité de chef d’entreprise ?
Pour plus d’informations à ce sujet, retrouvez notre communiqué de presse sur la réaction du SDI face aux annonces faites pour le Budget 2026.