L’enfer est pavé de bonnes intentions.
La loi « anti-gaspillage pour une économie circulaire » de 2020 a interdit l’élimination d’un certain nombre de produits non-alimentaire. L’objectif est d’inciter les industriels à éviter la surproduction. Objectif raté selon une enquête du journal Disclose (https://disclose.ngo/fr).
De fait, en contrepartie de l’interdiction de destruction, le texte de loi prévoit la possibilité pour les entreprises de bénéficier d’avantages fiscaux (réduction d’impôt, absence de régularisation de la TVA, etc.) en cas de dons réalisés auprès de structures sociales, humanitaires et autres organismes de charité.
Sur le papier, cette loi réalise donc un carton plein, en alliant écologie et humanitaire.
En réalité, loin d’atteindre son objectif, cette loi a favorisé la surproduction au travers de la naissance d’un nouveau marché : la chasse aux avantages fiscaux.
Des entreprises se sont ainsi spécialisées en qualité d’intermédiaires entre les grandes enseignes (Shein, Décathlon,…) et les associations humanitaires (Restos du cœur, Emmaüs, Petits frères des pauvres,…). Le but est de donner les invendus à ces associations contre un reçu fiscal, sachant que le donateur fixe lui-même le prix estimatif des dons… et donc le montant de sa ristourne fiscale.
Selon l’enquête de Disclose, l’enseigne Kiabi surperforme pour sa part le système en se faisant des dons à elle-même au travers d’un réseau de « boutiques solidaires » sous l’étiquette « Les Petits Magasins ». L’opération est parfaitement légale, les deux entités étant juridiquement indépendantes avec tout le verbatim « social et solidaire » de rigueur.
Cette intrusion massive du « neuf discount déclassé » pénalise naturellement les vrais tenants du recyclage que sont les boutiques de seconde main, sans oublier les commerces de proximité classiques.
Au bout de la chaîne, en admettant qu’il reste encore des invendus, le textile finit en déchetterie car la loi anti-gaspillage autorise la destruction des produits donnés.
Le coût est alors pris en charge par les associations concernées ou les collectivités locales.
Dans ce contexte, la question est la suivante : quel est l’intérêt pour les grandes enseignes de pratiquer des soldes en vente à perte lorsqu’elles peuvent liquider leurs stocks avec réduction d’impôts à la clé à un tarif qu’elles fixent elles-mêmes ?
Les soldes des grandes enseignes ne seraient-ils pas de « vrais soldes » ?